Tuesday, January 20, 2009

Meilleurs album de 1989 (1) : Mystery Girl (Roy Orbison)



C'était censé être l'album du grand retour. Ce fut celui du grand départ pour Roy Orbison, vocaliste de rêve et romantique effronté, mort quelques mois avant la sortie du disque.

1989, très bon millésime pour le vin, n'était pas trop mal aussi en musique : les très bons ou très influents albums sont légion (Lou Reed, De La Soul, Stone Roses…). J'ai choisi néanmoins de l'illustrer par un disque qui échappe souvent aux best of et autres listes des meilleurs albums de tous les temps.
Et c'est pourtant une pure merveille, certes pas de celles qui ont révolutionné l'histoire du rock, mais un grand moment rock et pop : la première grande œuvre de Roy Orbison depuis les années 1960.

Rappel : ce natif du Texas avait commencé sa carrière en pleine folie rockabilly aux studios Sun de Memphis, ceux d'Elvis ou de Jerry Lee Lewis. Mais Roy était une sorte de négatif du King : pas gâté par la nature, avec sa grosse tête d'opossum et ses lunettes qui lui mangeaient le visage (dues à une maladie des yeux). Rockeur passable, mais exceptionnel et quasi-inégalable pour les ballades romantiques. Le contraire d'Elvis, quoi. Elvis qui d'ailleurs le considérait, au début des années 1960, comme son seul rival vocal.
Après un succès d'estime dans un rôle de chanteur de rockabilly, Roy se recycla en auteur-compositeur pour les autres (avec une voix pareille, c'était du pur gâchis). Heureusement, les Everly Brothers lui refusèrent "Only the Lonely" qu'il enregistra lui-même en 1960. Succès immédiat, et début d'une exceptionnelle série de singles tous plus merveilleux les uns que les autres, chefs d'œuvre de pop romantique, entre ballades country et chant napolitain, superbement composés et arrangées, avec des cordes, des clochettes et des envolées vocales tout simplement inouïes. Et puis, bien sûr, en 1964, "Pretty Woman".
Et après ? Une horrible succesion de drames : en 1966 sa femme se tue dans un accident de moto. Deux ans plus tard, un incendie se déclare chez lui, tuant deux de ses fils. Les chansons de Roy se démodent, il passe progressivement en seconde zone. Les hippies puis le disco et le punk, pas trop son truc.

Le retour de flamme, il le doit peut-être bien à David Lynch, qui place un de ses chefs d'œuvre, "In Dreams" dans son film Blue Velvet. Roy Orbison est admis au Rock and Roll Hall of Fame en 1987, se fait embaucher pour les Travelling Wilburys, enregistre, voix intacte, A Black And White Night Live, superbe album-DVD contenant tous ses classiques avec ses fans en guest stars : Tom Waits, Bruce Springsteen, Elvis Costello, KD Lang, j'en passe et des meilleurs.
L'album Mystery Girl, enregistré avec Tom Petty et Jeff Lynne, est le prolongement logique de cette renaissance. Roy y renoue avec l'esprit des années 1950 et 60, tout en sonnant moderne, du moins pour l'époque. Toujours ces ballades poignantes ( "In The Real World", clin d'œil à "In Dreams", "A Love So Beautiful"), et un tube calibré, "You Got It", qui comme "Pretty Woman" 25 ans plus tôt, n'est pas complètement représentatif du bonhomme.

Roy Orbison - She's A Mystery To Me (buy)

Le seul (petit) reproche qu'on peut faire à cet album, c'est que la production de Lynne, qui pourtant fit des merveilles avec Electric Light Orchestra, a parfois mal vieilli. Remarquez, il a fait pire : les Travelling Willburys, difficilement écoutables vingt ans après.

Ici on a heureusement la voix et le goût exceptionnel de Roy Orbison, de surcroît toujours bien entouré. Car en plus, l'homme était une crème. Du coup, Bono et The Edge lui composent le morceau-titre, Costello le sublime "The Comedians", George Harrison joue une superbe partie de guitare sur "Windsurfer".

Tout cela était rop beau pour cet autre homme en noir : en décembre 1988, soit quelques mois avant la sortie de Mystery Girl, Roy Orbison s'écroule, victime d'une crise cardiaque.


Rarely on any best-of list, this forgotten gem by Roy Orbison, thanks to his greatest fans (Jeff Lynne, Tom Petty, Bono, Costello). But when it came out, Roy O had passed away a few months before.
Here is a live version of Elvis Costello's "The Comedians", taken from A Black and White NIght Live, an album/DVD released in 1989 as well, with prestigious guests.







PS : quelques commentaires qui me sont venus après la publication de l'article : comme on l'a vu dans un précédent post consacré à Roy Orbison, c'est un chanteur romantique, qui avec Brel fut un héros de mes 20 ans maladroits, qui consacrait des albums entiers à l'insondabilité des filles, "Mystery Girl", pour ceux qui n'avaient pas le mode d'emploi...

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